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La fraternité, un socle, une nécessité - La Cimade

- mercredi 9 décembre 2015, par Invité-e-s de Parlem TV

Revenant sur l’arrivée en Europe de centaines de milliers de personnes fuyant toutes sortes de violences, mais aussi sur les attentats qui ont endeuillé la France, Geneviève Jacques, présidente de la Cimade, évoque le défi auquel notre société, toute entière est confrontée.
« En serons-nous capables ? »

Après l’émotion, bâtir l’avenir

L’exode qui se déroule actuellement doit être regardé en premier lieu comme une histoire humaine. Une multitude d’histoires individuelles d’hommes et de femmes faisant le choix contraint de partir pour échapper aux dangers qui les menacent et à l’absence d’avenir chez eux. Avec une force vitale qui les pousse à prendre tous les risques pour arriver jusqu’à nous, dans l’espoir de trouver dans nos pays la possibilité de vivre en sécurité et dans la dignité.

Les causes immédiates sont bien connues : le cycle de violences et de destructions qui ravage la Syrie ou l’Irak et se poursuit en Afghanistan ou au Soudan, des camps de réfugiés saturés et abandonnés dans les pays voisins débordés, la dictature en Érythrée, les situations de chaos politique et économique en Libye ou dans les Balkans, etc. Toutes ces causes, où se mêlent les violences des conflits et celles de la misère, ont un caractère durable. Elles vont continuer d’engendrer des mouvements de populations vers l’Europe, même si elle n’est pas, et de loin, la plus touchée par ces migrations.

L’émotion causée par les images et les histoires largement diffusées par les médias ont réveillé et révélé l’attachement de très nombreux citoyens de notre pays aux valeurs de solidarité et de fraternité qui fondent le meilleur de notre société. Elle a aussi provoqué le pire de la part de certains et laissé d’autres avec leurs peurs. Pour soutenir une prise de conscience dans la durée, déjouer les idées toxiques et répondre aux inquiétudes, il nous faut saisir ce contexte historique pour comprendre l’exil et la migration. Quels que soient les noms qu’on leurs donne, et le choix n’est pas neutre car ils véhiculent des mythes et des représentations, ces « arrivants » ne débarquent pas par hasard, sans passé et sans projet. Il suffit de les écouter. Personne n’a quitté sa terre, son pays, sa famille sans raison légitime et respectable. Personne n’arrive sans ressources ni volonté d’apporter sa contribution à la société qui l’accueille, par son travail, ses compétences, sa culture. Il est indécent de prétendre que ce serait pour « profiter » de nos systèmes sociaux, Quelles que soient ses causes, l’immigration est d’abord une émigration, et le départ toujours un déchirement.

Des enjeux immédiats pour ancrer et développer les solidarités

Le premier enjeu est de prouver que la France est capable de redonner toute sa valeur à l’asile pour celles et ceux qui viennent chercher protection dans notre pays, quelles que soient leur nationalité ou leur parcours. Faire la preuve que la mobilisation de l’État, des collectivités locales et de la société civile permet d’assurer des conditions d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement dignes de ce nom. Ces conditions doivent être accordées sans discrimination à tous les demandeurs d’asile et réfugiés, à ceux qui sont déjà là, comme à ceux qui seront « relocalisés » ou qui arriveront par la suite.

L’attention justifiée au sort des réfugiés s’accompagne hélas dans les discours publics d’un dénigrement des prétendus « migrants économiques qui auraient vocation à rentrer chez eux ». Cette opposition est pleine de dangers par le message qu’elle transmet, vécu par les immigrés comme « vous n’êtes pas les bienvenus » et repris par les xénophobes comme « on vous l ‘avait bien dit ! ». Elle annonce un durcissement des politiques d’expulsion déjà à l’œuvre, et aggrave les situations d’insécurité et d’instabilité des personnes immigrées. Le deuxième enjeu aujourd’hui, à l’occasion de cette prise de conscience citoyenne, est de résister à cette tendance en démontrant que ce n’est pas en réduisant les droits des migrants, ni en stigmatisant des indésirables, que l’on favorisera l’accueil des réfugiés. Bien au contraire, cela ne fera que conforter ceux qui prônent la méfiance et le rejet de tous les « étrangers ». La France est, depuis toujours, une terre d’immigration et doit se penser et se vivre comme telle.

Au-delà, il est de la responsabilité et du devoir de l’État de répondre aux besoins urgents des populations en situation de précarité sur le territoire. Le troisième enjeu est non seulement d’éviter les oppositions entre catégories de personnes vulnérables mais aussi de démontrer que la solidarité nationale englobe tous ceux qui en ont besoin, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs. Il pose l’urgence de développer des politiques sociales humaines et justes contre toutes les formes de discrimination et d’exclusion, dont sont victimes des nationaux et des non-nationaux.

Ces enjeux, imbriqués les uns aux autres, sont d’autant plus importants que dans le climat actuel, la période électorale annoncée, des régionales aux présidentielles, sera un théâtre rêvé d’utilisation politicienne des questions migratoires. Plus que jamais, nous serons face à des choix de société : un repli frileux sur des territoires fermés cultivant l’entre soi, ou un nouveau souffle de vitalité pour créer les conditions d’un bien-vivre ensemble dans la cité, d’une action collective et citoyenne pour la solidarité et la défense des droits, pour renforcer le tissu social plutôt que de le déchirer.

Un enjeu de refondation des politiques migratoires

La succession de drames et de situations inacceptables que l’on déplore aux frontières de l’Europe aujourd’hui impose de se poser la « seule » question qui vaille : est-il réaliste à terme, est-il humainement et politiquement défendable de nous emmurer pour repousser la réalité de ces mobilités humaines ? L’échec des politiques sécuritaires elles-mêmes, leur coût humain exorbitant, n’obligent-t-ils pas à changer radicalement nos politiques migratoires pour accompagner autrement ces mobilités irrépressibles et rechercher un intérêt commun pour tous ?

Le contexte exceptionnel du moment doit être l’occasion, en France et en Europe, de repenser les migrations dans une époque qui a changé, pour imaginer l’avenir autrement : droit à la mobilité, droit d’aller et venir, véritables politiques d’accueil et d’intégration, résorption des inégalités sociales et économiques, coopération renforcée pour la paix, la justice et le développement, notamment.

Ce n’est ni naïf, ni angélique de poser ces questions aujourd’hui. C’est au contraire proposer un sens, une boussole aimantée par les valeurs de défense de la dignité et des droits humains dans la conduite des questions migratoires. Et cela vaut autant pour les politiques menées que pour la perception que nos sociétés en ont.

Dans cette entreprise de refondation, l’Europe a une responsabilité particulière, au regard des valeurs qu’elle prétend défendre, mais aussi de la responsabilité qui lui incombe, ainsi qu’à ses États membres, dans les désordres mondiaux actuels.

L’hospitalité et la solidarité ne se résument pas au partage d’un peu de nos richesses. C’est aussi permettre à nos hôtes d’offrir des richesses qu’ils portent en eux avec leur histoire, leur courage et leur force de vie. Un bel enjeu éthique et politique pour tous, accueillants et accueillis. Une promesse de sursaut collectif pour sortir de la déprime actuelle.

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