"En photo-dessinant", une sismographie du sensible
Bertrand Flachot vit et travaille en Ile de France. Il est diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris. Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions dans des lieux publics et des galeries. Il est présenté par la galerie Felli à Paris que nous remercions du prêt de quelques oeuvres.
Photographie ou dessin ? Le doute s’installe. On distingue difficilement l’un et l’autre tellement ces deux langages se confondent dans la même image. Photographe-plasticien, Bertrand Flachot utilise la photo numérique, le dessin sur ordinateur et le dessin au stylo à bille ou au crayon. Ce travail, où dialoguent ces deux moyens d’expression déstabilise le regard et avive la curiosité. La qualité de la présentation renforce l’attirance vers ces oeuvres grand format. Ce sont des tirages limités sur papier argentique ou des impressions jet d’encre contrecollés sur alu ou sous diasec.
Il y a d’abord la photo, essentiellement du paysage avec laquelle Bertrand Flachot entretient une relation intime : les abords de sa maison ; le fouillis d’un pré dégagé des hautes herbes ; les ronciers ; un sous-bois rendu à la nature ou un vieil arbre fruitier arraché de ses mains ; ou encore un nid d’oiseau tombé dans la haie. C’est au départ une photo techniquement irréprochable avec ses valeurs de gris ou ses couleurs subtiles qui devient le support du dessin. Un tracé très fin, nerveux et compulsif prolonge branches et brindilles, suit le mouvement des lianes et des herbes dans un fouillis inextricable comme si le geste pulsionnel de la main démultipliait la nature saisie dans l’instant. Comme si l’instant bref de photographique était prolongé et continué à l’infini. La photo en tant qu’image peut disparaître, il en subsiste sa trace indélébile, sa présence muette, une sorte d’aura qui cristallise l’objet disparu. Une série sur les nids qui présente les trois moments de la création est parfaitement évocatrice de cette réalité « augmentée ». L’image a son autonomie, le dessin possède la sienne et la superposition des deux révèle un monde inédit ou le réel et le virtuel se mêlent dans une dimension onirique.
L’ordinateur qui permet d’agrandir l’image, de la fragmenter, de la répéter, de modifier la lumière et les couleurs, de juxtaposer des prises de vue procure une grande liberté. L’œil et la main sont dissociés : la main dessine sur la palette graphique tandis que l’œil suit le résultat sur l’écran. « Par rapport au dessin traditionnel,....j’accède directement au résultat de mon geste sans le voir, sans voir ma main en mouvement. Pour un dessinateur de ma génération, c’est extraordinaire car cela octroie une liberté que je ne pouvais pas imaginer » dit-il. Le dessin fébrile s’insinue dans des effacements, obture des vides et parodie les graphismes de l’image. Une onde vibratoire se propage, en griffures nerveuses ou lignes étirées, qui dévore l’espace. Le trouble naît de ces chevauchements, de ce fouillis inextricable qui tient le réel à distance pour mieux le métamorphoser. Ainsi, un arbre seul, détouré sur fond blanc, est sublimé par des cheveux d’ange qui semblent pomper dans l’espace toute l’ énergie vitale et le rendent indestructible . « Le fait de travailler à partir d’images photographiques crée une forme de sur-figuration jamais définitive, toujours à reconstruire. Le dessin est un prolongement inachevé de la représentation qui produit comme une sismographie du sensible » (B.Flachot).
Les oeuvres de Bertrand Blanchot sont tout en pureté, en fragilité, en délicatesse. Il construit et déconstruit le réel dans un va-et-vient incessant entre photo et dessin. Il transfigure la nature et la réinvente d’une manière inédite, lui conférant une poésie subtile qui ne peut laisser indifférent.
Anto Alquier
32 œuvres
32 œuvres dont des grands formats pour apprécier le "mariage" délicat de la photo et du dessin. Photo numérique qui permet agrandissement de l’image, démultiplication, répétition, fragmentation, effacements. Et le dessin réalisé sur palette graphique avec un stylo electronique. Ces deux moyens d’expression se mêlent, s’emmêlent si bien que notre regard est déstabilisé. Où commence l’un, où finit l’autre ? C’est délicieux, fin, frais, poétique. De la belle photo sur fond noir ou blanc, pur ; des couleurs subtiles, douces ; un dessin libre, serré, nerveux, linéaire... Au temps bref de la photo se superpose le temps long du dessin ; Au réel de l’image se superpose le virtuel du dessin. Les vibrations de la ligne se propagent et font trembler celui qui regarde !.
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