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Une voix "off" pour quoi faire ?

- mardi 21 février 2017, par Parlem TV

Compte-rendu d’un atelier de l’école de la FEMIS sur la voix off les 6 et 7 octobre 2004.

Nous nous sommes intéressés pendant ces deux matinées de travail à la voix off en tant que voix singulière, plurielle, voix qui doute. A l’opposée d’une voix (que par commodité nous avons plutôt appelé "commentaire" -même si cette dénomination n’est pas exacte-) qui glose sur l’image, qui sait tout et qui serait présente pour "faire du plein", pour remplir un vide que laisserait l’image. La voix off également comme voix qui provient d’un corps, plutôt que la voix désincarnée du commentaire.

Il existe différentes voix off :

- Celle de celui qui regarde, celui qui est derrière la caméra et qui, prenant la parole, signifie qu’il fait partie du spectacle
- La voix intérieure, un "je" qui peut tout à la fois être un "je" qui parle en son nom propre, mais aussi en un nom plus abstrait, plus théorique. Sachant par ailleurs que le "je" n’est jamais tout à fait soi, la transparence de soi à soi n’existant pas.

La place de la voix off dans le cinéma français et la réticence de certains pour ce mode narratif a peut-être à voir avec notre culture judéo-chrétienne, qui fait penser à certains que c’est dans l’image, et uniquement dans l’image, que les choses doivent advenir, pensée qui va avec cette croyance qu’il y a quelque chose de l’ordre de la révélation dans l’image (théorie bazinienne). Dans la suite de cette réflexion, il a été souligné comment dans la Bible la vision est considérée comme l’organe de réception de la voix.

La voix off est un lieu de pouvoir, pouvoir d’autant plus fort qu’on a toujours tendance à penser que la voix dit forcément la vérité. On peut distinguer deux types de pouvoir : le pouvoir du savoir (celui que l’on retrouve dans le commentaire) et le pouvoir du cinéaste (de la mise en scène).

La voix off module la relation du spectateur au film.

La voix, c’est à la fois ce qui sépare et ce qui fait lien - la parole c’est ce qui sépare et ce qui réunit. Il y aurait dans cette voix quelque chose de l’ordre du préverbal, quelque chose de relié au souvenir de la voix de la mère, ou du chuchotement à l’oreille du nouveau-né.

Il y a donc vraiment quelque chose qui se joue dans la façon dont la voix se rapproche du corps et par là même du film.

Il y a l’incarnation de la voix et la position de cette voix : position surplombante ou non, avec des degrés qui vont du chuchotement jusqu’à la voix portée. Est ici en question le travail au mixage mais aussi le choix de la voix (de son grain, de son timbre, de son ton, ...). La façon dont le texte est dit peut tout autant que le contenu du texte lui-même apporter du questionnement, de la singularité, du doute à une voix off.

On peut remarquer que les différents modes de voix off ont évolué selon les époques et il y a certainement aujourd’hui un courant dans le cinéma d’auteur qui privilégie une voix fragile -qui est souvent celle du réalisateur, lui-même.

L’enregistrement de la voix est une étape d’avancement dans la construction du film. Mais il arrive aussi souvent que la voix off et son écriture aide à trouver le film. Et si certains arrivent au montage avec leur voix off comme "colonne vertébrale" du film, d’autres travaillent tout en montant, d’autres enfin vont directement écrire au moment de l’enregistrement. Certaines manières de faire empruntant à l’une ou l’autre de ces possibilités.

On peut observer que dans le cours du film, il est très rare que la voix off intervienne juste au moment du climax comme si lorsque l’image "parlait" fort, il n’était pas besoin de parler, comme si également il était impossible de concevoir l’un et l’autre en même temps. Pourtant il ne faut pas être dogmatique : chez Marker par exemple le spectateur doit parfois choisir lui-même entre regarder et écouter !

Souvent la voix va venir s’insérer dans les creux - le commentaire télévisuel est quant à lui souvent là pour remplir justement - mais elle peut également installer le climax ou intervenir quand l’imagination doit prendre son envol.

La voix off est également perçue (et utilisée) comme une musique, des phrases musicales

Enfin, la voix off pose la question du silence qui devient d’autant plus fort, d’autant plus signifiant, quand une voix se tait.

Paris, le 18 octobre 2004.

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